- La plage de 1800 à nos jours
La mer, la plage évoquent pour nous, aujourd’hui, le plus souvent des images agréables. On oublie que, jusqu’au XVIIIème siècle, les étendues marines suscitaient plutôt la peur. Il faut attendre les nouvelles conceptions de la nature, au siècle des Lumières, pour voir se construire de nouvelles images. A l’exemple de l’Angleterre la mode aristocratique de l’hydrothérapie en eau froide fait de nouvelles émules. Mais on ne peut rester immergé qu’un court moment dans une eau souhaitée glaciale et un nouvel espace, en bord de mer, va être aménagé pour satisfaire aux occupations de ces riches clients. Les premières stations balnéaires naissent à Dieppe, Boulogne ou Granville, puis, après 1830, à Trouville, grâce à l’appui de Louis Philippe qui veut punir Dieppe jugée trop légitimiste.
L’augmentation des revenus qui caractérise la période de 1860 à 1914 et surtout le développement des communications avec le chemin de fer puis la voiture automobile vont encore transformer cette évolution qu’explique également un changement en profondeur de la notion de temps libre laissant la place à la notion nouvelle de loisirs.
Flairant la bonne affaire immobilière, Morny, demi-frère de l’empereur Napoléon III crée Deauville sur 240 ha d’anciens marais ; l’impératrice Eugénie de Montijo, d’origine espagnole, lance la mode de Biarritz ; à l’exemple de la Riviera italienne très prisée par l’aristocratie britannique, la Côte d’azur attire après 1860 comtes, ducs et princes, têtes couronnées et grands de ce monde, venus d’Angleterre, d’Allemagne, d’Italie, d’Espagne et de Russie, industriels fortunés. Bien entendu on ne vient pas sur la Côte d’Azur pour se tremper dans l’eau et l’on retrouve les principaux aspects du modèle mis en place dans les stations du nord de la France, avec une innovation importante cependant : on craint les chaleurs excessives de l’été et c’est quand il fait froid, de l’automne au printemps que se situent les grands moments de la saison.
A côté de ce tourisme de luxe le coût du billet de chemin de fer et l’amélioration du budget de nouvelles catégories sociales vont susciter l’ouverture de nouvelles destinations balnéaires. La Normandie et la Bretagne, les plus proches de Paris vont en profiter. Deauville y trouve un surcroît d’activité mais surtout Dinard, Saint Malo, Saint Brieuc et toute la côte qu’on va bientôt dénommer d’émeraude voient sortir de terre les nombreuses villas 1900 qu’on y rencontre encore. Parallèlement on voit apparaître de nouveaux usages de la plage : on va se baigner désormais pour le plaisir et non plus pour se soigner. Ce bain suppose donc fait qu’on préfère l’eau réchauffée par l’été et non plus l’eau froide. La plage devient synonyme des mois de juillet /août : en 1920 le mot estivant apparaît dans le dictionnaire.
Le costume de bain traditionnel se prête mal à ces nouvelles activités d’autant qu’une nouvelle approche médicale valorise les effets de la lumière et du soleil. Le corps bronzé, en particulier féminin, va l’emporter progressivement sur « la femme blanche » qui était jusque- là un absolu de la distinction. Le souci thérapeutique est oublié et la plage est désormais synonyme de plaisir, parfois chargé de forts sous-entendus sexuels. Avec la forte augmentation des revenus de la période des « Trente Glorieuses », l’allongement des vacances et la rapide expansion du parc automobile un véritable rush vers les plages méditerranéennes engorge un réseau de communications que l’on doit aménager. Pour capter ce revenu touristique, en 1963, le Président de la République Ch. de Gaulle confie à une équipe ministérielle, la mission Racine, le projet de réaliser 6 grandes stations sur la côte languedocienne, entre delta du Rhône et Pyrénées avec l’objectif d’y attirer les touristes d’Europe du Nord et de la France entière : à l’été 1968 La Grande Motte accueille ses premiers estivants. S’ouvrant ainsi à une population de plus en plus large, ce tourisme de masse crée un nouvel imaginaire : celui des vacances du mois d’août à la mer, imaginaire qui fait rêver : à Paris puis à Lille des municipalités se doivent d’organiser des plages urbaines pour ceux qui ne peuvent se rendre jusqu’à la mer. Mais en même temps, certains vont dénoncer ce modèle de la plage grille-pain où, selon eux, un amoncellement de corps bronze «idiot». Sans oublier que l’érosion des littoraux nous alerte aujourd’hui.