- Les variations du niveau des mers : mesures, causes, conséquences -

S’il est une constante — apparente ! — du paysage que l’homme a su valoriser, c’est bien le niveau de la mer. Et pour cause, il n’a quasiment pas varié depuis six mille ans, le début de la période néolithique. Cette stabilité du niveau marin et des paysages littoraux, donc de la limite mer—terre ou “trait de côte”, n’a pas échappé à l’homme. Ni bien sûr les opportunités d’utilisation des espaces littoraux qu’offre cette permanence magnifique, mais fragile. Au 19ème siècle, la poldérisation des marais d’arrière-dune a permis un développement agricole de certaines zones littorales. Le boom des trente glorieuses et ses objectifs économiques et touristiques a donné un élan final à l’empreinte et l’occupation de l’homme sur les franges littorales. Mais la mer reste là, demi-espace ineffaçable, qui “vit sa vie” au gré d’un climat global que l’homme modifie maintenant largement. De fait, la permanence du trait de côte que nous connaissons n’est plus garantie.

Il sera question ici de décrire et expliquer ce que l’on sait des variations récentes du niveau des mers, que l’on mesure de nos jours par des techniques satellitaires très précises, mais dont on a des enregistrements indirects depuis au moins vingt mille ans. Nous verrons que le niveau marin a une variabilité naturelle importante (plusieurs centaines de mètres), mais avec une remarquable stabilité depuis 6000 ans. Il monte cependant de manière significative depuis le début de l'ère industrielle sous l’effet de l’augmentation de la température globale, de la fonte des glaciers et des apports d’eau continentale. Ces contributions dépendent des quantités de gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère, que l’on peut extrapoler dans le futur selon plusieurs scénarios. On peut donc projeter l’évolution moyen du niveau marin : les résultats moyens les plus récents indiquent une augmentation de 0.5 à 1 m en 2010. En plus du niveau des mers, les paramètres climatiques impactent aussi la fréquence et force des tempêtes, qui s’ajoutent à la variabilité du niveau moyen des mers et accélèrent l’évolution du trait de côte. Il n’est plus possible d’éviter la mise en place de stratégies spécifiques dans les espaces littoraux

Biographie

Éric Calais est géologue-géophysicien, praticien internationalement reconnu de la géodésie spatiale de haute précision (GPS et interférométrie radar InSAR)
et pionnier de ses applications à la mesure des déformations sismiques aux frontières des plaques tectoniques et dans leurs intérieurs.
Depuis 2017, il est membre de l'Académie des sciences.